Porté par l’essor de la FAST TV, la société OKAST, développe son activité autour de trois piliers : l’élaboration de plateformes de streaming en OTT, de chaînes FAST, et leur distribution et monétisation. Soutenus par l’Union européenne, OKAST et ses partenaires européens ont lancé le consortium Advertisement Solutions and Analytics Platform (ASAP4EU), destiné à répondre à la question de l’optimisation de la publicité dans l’AVOD et la FAST en Europe. Explications avec son dirigeant Cédric Monnier.
Pouvez-vous présenter la société ?
Cédric Monnier : La société OKAST existe depuis 8 ans, fondée par des associés qui viennent de la télévision. Notre première ambition a été de proposer une solution en marque blanche pour faire des plateformes de streaming pour des sociétés dotées de catalogues. Nous visions aussi bien des chaînes de télévision, des distributeurs, que des pure players. C’était au moment où Netflix venait de se lancer en France. Notre volonté était de proposer une solution aux sociétés dont le métier n’est pas la technologie mais le contenu, en leur donnant tous les outils nécessaires pour mettre à l’écran (sites web, applications mobiles ou TV, etc.) des contenus dans des standards d’ergonomie et de présentation sur le modèle de Netflix. Nous avions également l’ambition d’aider nos clients à monétiser ces contenus, passant d’une logique de l’abonnement à celle de l’achat à l’acte, puis à la publicité. Aujourd’hui, nous avons conçu plus de 500 plateformes et proposons une solution intégrée qui permet de distribuer et monétiser quel que soit le modèle de distribution (gratuit, SVOD, AVOD, TVOD, FAST).
Sur ce créneau, quels sont vos clients ?
C.M. : 50 % de nos clients sont français, 50 % sont étrangers dont une grande partie sont européens, américains et asiatiques avec une majorité de nos clients issus de « l’Entertainment et l’information » (chaine de TV linéaire, producteur, distributeur, agrégateur, média et Publisher) ainsi que des grandes sociétés. Nous avons par exemple fait les plateformes de Secrets d’histoire, des chaînes du groupe Secom, de TV Monaco, de Qwest TV, ou encore de Thema, la plateforme Mon Bouquet Africain de Canal+.

Comment vous êtes-vous tourné vers la FAST TV ?
C.M. : Venant de la télévision classique, nous avons observé avec beaucoup d’attention le retour du linéaire et décidé de développer notre activité autour des chaînes FAST. Nous avons commencé par faire des chaînes thématiques linéaires classiques à partir des catalogues de nos clients pour des plateformes d‘IPTV comme Free ou Molotov. Le modèle FAST est arrivé il y a seulement 3,4 ans en Europe, alors qu’il se développait beaucoup aux Etats-Unis. Nous avons sollicité la Commission Européenne pour qu’elle subventionne la création d’un acteur européen de poids dans la FAST TV. Cela nous a permis de créer un consortium FAST4EU, constitué d’OKAST, du groupe Secom, du producteur-distributeur allemand Kinostar et d’un agrégateur de contenus. L’Union européenne a ainsi subventionné un programme sur 3 ans, à hauteur de 1,5 million d’euros, nous permettant d’établir un service solide et compétitif.
Nous sommes capables de distribuer sur plus de 50 plateformes FAST, mais aussi sur Google, de travailler avec des acteurs locaux ou des opérateurs téléphoniques
Quels en sont les principaux piliers ?
C.M. : Ce programme se donnait trois objectifs. Le premier était de développer une technologie 100% européenne pour permettre de faire de la FAST TV sans connaissance technique particulière, à des prix abordables, avec un support européen et des opérations en Europe qui permettent de respecter la réglementation et d’avoir une transparence totale sur les datas. Avec des partenaires européens, nous avons ainsi créé toute la partie technologique. Au bout d’un an, nous avons commencé à commercialiser notre produit, ce qui nous permis de créer les premières chaînes FAST et d’y intégrer les spécificités culturelles de chaque pays. Le deuxième objectif était la distribution. Il nous fallait mettre en place un réseau de distribution européen. C’était compliqué car il a fallu casser des accords d’exclusivité. Nous sommes capables de distribuer sur plus de 50 plateformes FAST, mais aussi sur Google, de travailler avec des acteurs locaux ou des opérateurs téléphoniques comme Bouygues Telecom pour lequel nous avons développé et gérons son service mobile ‘MyTV in Europe’ ; disponible dans 28 pays en 5 langues et pour laquelle nous avons aussi fourni une cinquantaine de chaînes. En devenant ainsi agrégateur, nous construisons des bouquets de chaînes livrés clés en main aux plateformes.

Comment monétisez-vous ces chaînes ?
C.M. : C’est le troisième pilier du programme et le plus important. Nous avons mis en place une régie spécialisée en Espagne pour les FAST et l’AVOD. Nos clients peuvent ainsi faire appel à notre savoir-faire sur l’un ou l’autre de nos trois piliers, voire les trois, c’est-à-dire l’élaboration d’une chaîne FAST, sa distribution et sa monétisation. Nous sommes dans une logique de partenariat vis-à-vis de nos clients. OKAST a ainsi plus de 80 chaînes FAST en catalogue.
Nous avons également l’ambition de développer de nouveaux formats publicitaires comme l’interactivité et le shopable
Vous avez annoncé, mi-septembre, la création d’un nouveau consortium. Qu’en est-il ?
C.M. : Justement, ce nouveau consortium, Advertisement Solutions and Analytics Platform (ASAS4EU), est destiné à répondre à la question de l’optimisation de la publicité dans l’AVOD et la FAST en Europe. Il regroupe, outre OKAST, le fournisseur français de solutions d’insertions publicitaires Broadpeak, le groupe espagnol Titan OS et le groupe portugais Impresa, maison mère de SIC, premier réseau de télévision au Portugal. Il est financé par l’Union européenne à hauteur de 1,7 M€ pour une durée de trois ans. Son objectif est de mettre en place une technologie et une stratégie de contenu spécifiques adaptées au marché européen. Un système transparent aussi bien pour les éditeurs, les annonceurs que ceux qui monétisent. Nous avons également l’ambition de développer de nouveaux formats publicitaires comme l’interactivité et le shopable (lien avec le retail) avec des mécanismes mesurables, régulables et équilibrés pour tout le monde.
Dans les chaînes FAST que vous développez, êtes-vous impliqués dans l’éditorial ?
C.M. : Initialement, non. Nous ne nous occupons pas de l’éditorial, car nous pensons que nos clients sont les mieux placés pour éditorialiser leurs contenus. Cela dit, pour certains d’entre eux, comme des producteurs de flux qui se lancent dans la FAST TV, nous sommes en mesure d’opérer totalement leurs chaînes FAST.
Quels sont vos concurrents et votre valeur ajoutée sur le marché ?
C.M. : La concurrence vient surtout des Etats-Unis, comme la société Wurl, mais aussi de l’Inde où se trouve le numéro 1 mondial du secteur, Amagi. En Europe, si elle était quasi inexistante il y a peu, aujourd’hui, elle commence à se développer. Notre premier atout est d’être européen, ce qui assure à nos clients une plus grande disponibilité, un respect de toutes les régulations et une même culture. Nous sommes aussi concurrentiels au niveaux prix, avec des tarifs plus attractifs qu’aux Etats-Unis, du fait d’être supporté par l’Union européenne. Nous avons également le plus gros réseau de distribution en Europe. Enfin, nos clients peuvent bénéficier de l’expérience et la bonne connaissance de la télévision, au sens le plus large, des dirigeants de la société.
Quels sont les défauts du modèle FAST ?
C.M. : Le modèle FAST est encore jeune. De fait, il a plusieurs défauts. Le premier est qu’il échappe à toute régulation et réglementation, ce qui induit une concurrence disproportionnée avec les autres modèles. Par ailleurs, ces chaînes n’étant pas mesurées par un opérateur neutre, les éditeurs et les annonceurs sont plus ou moins dans le flou. Sur la publicité, ils n’ont par exemple que du reporting et ont les chiffres que les opérateurs veulent bien communiquer via leur régie. Quand OKAST monétise, nous avons une démarche de transparence vis-à-vis de nos clients éditeurs, mais aussi des annonceurs. Nous faisons du partage de revenus et d’inventaires et partageons tous nos chiffres.
En Europe, les prévisions à moyen terme sont de l’ordre de 150 chaînes FAST par plateforme
Vous avez, avec vos partenaires du consortium, édité un livre blanc sur la FAST TV. Quel est votre objectif ?
C.M. : Ce livre blanc a été élaboré dans un objectif purement éducatif à l’endroit des éditeurs, pour montrer ce qu’est la FAST TV, comment elle fonctionne, ce qu’elle peut apporter au marché et les difficultés derrière le modèle. L’idée était aussi de contrebalancer l’offensive marketing de certains acteurs étrangers du marché, et d’expliquer que le modèle européen ne pouvait être comparé au modèle américain. Chez OKAST, nous sommes persuadés que la FAST TV ne peut pas être une stratégie en soi (en Europe). C’est un modèle de complément à destination, par exemple, des opérateurs classiques du linéaire qui désirent développer une plateforme web et des chaînes FAST avec des programmes spécifiques ou des « pure playeurs » souhaitant remonétiser leur catalogue.

Dans ce livre blanc, vous prônez pour une meilleure qualité des chaînes. Au détriment de la quantité ?
C.M. : Les premières chaînes FAST étaient des chaînes simples avec des fonds de catalogue. C’est d’ailleurs ces fonds de catalogue qui ont fait le succès de ces chaînes aux Etats-Unis. Comme le modèle rencontre aujourd’hui un certain succès, qu’il est désormais vu sur l’écran TV, au même niveau que les chaînes linéaires, les chaînes FAST montent en gamme sur la qualité sonore et visuelle, l’habillage, la programmation, la qualité inhérente des programmes et même la « brandisation » des chaînes.
Quelles sont vos prévisions sur la croissance de la FAST TV ?
C.M. : Aux Etats-Unis, il y a aujourd’hui à peu près 2 000 chaînes FAST. En Europe, les prévisions à moyen terme sont de l’ordre de 150 chaînes par plateforme. Désormais, ces dernières sélectionnent les chaînes qu’elles accueillent et sont de plus en plus exigeantes. Le marché est désormais solide et mature, les plus gros acteurs du secteur s’intéressant à ce modèle qui a désormais trouvé sa place et devient essentiel à toute logique de multidistribution et aux environnements hybrides. Reste le problème de la régulation…
Propos recueillis par Carole Villevet.

Lien : okast.tv
OKAST en résumé
Création en 2016
Capital : le capital de la société, 100 % française, est détenu par ses deux actionnaires fondateurs.
Clients : groupe Secom (MyZen TV, Melody TV, Museum TV), TV Monaco, Qwest TV, Bouygues Telecom, les chaînes FAST de l’INA, Figaro Live, Mediawan, Endemol France, Net Radio Vision, Luxe TV, etc.
Équipe : une vingtaine de personnes. Siège social à Paris, bureaux en Espagne, en Italie et en Allemagne.
Réseau de distribution en Europe : + 50 plateformes FAST (TV connectées, TV OS, applications), 180 réseaux PayTV/IPTV